Des taux d’intérêt anormalement élevés réclamés même aux pays les mieux gérés d’Afrique
Chronique de Marie de Vergès Article réservé aux abonnés
En pleine pandémie, au moment où les économies du continent ont besoin d’argent frais, l’attitude partiale des investisseurs face au « risque africain » mérite d’être questionnée, observe dans sa chronique Marie de Vergès, journaliste au « Monde ».
Chronique. Et voici le grand retour des débats sur la dette ! Pas partout, loin s’en faut : en France, certains pensent même qu’elle n’est désormais plus un problème. Sur le continent africain, en revanche, la question revient en tête d’un agenda qu’elle n’avait, pour ainsi dire, jamais quitté. Des signaux d’alarme clignotent, comme en Afrique australe, où la Zambie demande à ses créanciers privés un moratoire sur le paiement des intérêts d’une partie de sa dette.
Ensuite, à qui le tour ? La question semble se poser d’elle-même alors que, depuis plusieurs années, l’Afrique se voit prédire le risque d’une nouvelle crise de la dette. Les spécialistes du développement connaissent par cœur les statistiques du Fonds monétaire international (FMI) selon lesquelles un tiers au moins des pays africains sont en voie de surendettement. Ne manquait qu’un détonateur : la pandémie de coronavirus, arrivée sans crier gare.
« La définition du risque africain »
Pourtant, les déboires zambiens résument-ils vraiment la situation du continent ? Selon certains, la discussion est biaisée. Le problème n’est pas la trajectoire (à la hausse) de l’endettement régional, ni la dérive (extrême) de quelques-uns. Mais bien davantage « la définition du risque africain », comme l’indiquait, début septembre, le ministre ghanéen des finances Ken Ofori-Atta, lors d’une visioconférence organisée par le think tank américain Center for global development. Selon M. Ofori-Atta, un ancien banquier de Morgan Stanley, l’Afrique est injustement traitée par les marchés. Même les pays les mieux gérés se voient réclamer des taux d’intérêts anormalement élevés qui les enferment dans un cercle vicieux.
« Certains investisseurs pensent vraiment que l’Afrique est la jungle (…) ; le rendement qu’ils exigent est établi avec cette perspective sous-jacente », souligne aussi sur le site Bloomberg, Mishek Mutize, responsable d’un projet de l’Union africaine visant à aider les gouvernements à améliorer leur notation financière…